Dans les médias

Publié le par Philippe RODET



Article publié dans le quotidien " La Croix "du 14 avril 2005
Rouen , de notre envoyé spécial


C'était il y a un peu plus d'un mois, dans l'arrière-salle d'un bar-restaurant de Petit-Quevilly, dans la banlieue de Rouen. Une petite vingtaine de jeunes de 12 à 15 ans ont un stylo à la main et écrivent laborieusement leur première lettre à de lointains correspondants. À des jeunes du Sénégal qu'ils ne connaissent pas et dont ils ont eu les noms et adresses par une association locale "l'Empire des Enfants". Pas question de montrer leur lettre aux adultes. C'est leur affaire. "Aujourd'hui, comme c'est la première fois qu'on écrit, on se présente, c'est tout". Au bout d'une petite heure de séance d'écriture, ils ont rangé leur bloc à lettres, mis un timbre sur l'enveloppe et posté la lettre. Ils attendent la réponse...

Ces jeunes des banlieues rouennaises sont membres d'associations sportives ou de quartier et c'est leur professeur de boxe ou le responsable de l'association "débarquement jeunes" qui les ont convaincus de se lancer dans cette expérience. En réalité, l'idée a germé dans la tête d'un médecin urgentiste, le docteur Philippe Rodet. Cet homme, fondateur de "l'Élan Nouveau des Citoyens", n'a qu'une obsession : que les gens se parlent, débattent et trouvent ensemble des solutions, au-delà des clivages politiques, religieux, socioprofessionnels.

 D'où l'idée de rompre une autre barrière, celle des générations. "Comme médecin, j'ai connu un jeune qui était seul, un peu perdu, chômeur. Je lui ai dit "si tu veux, tu m'écris". Depuis on s'écrit régulièrement et il m'a dit un jour : "avec ces lettres, vous m'avez sauvé, docteur". Philippe Rodet a eu une idée : "Et si on faisait correspondre des adultes et des jeunes, peut-être qu'ils se comprendraient mieux ? Et pourquoi ne pas choisir des jeunes des banlieues ?" Il rencontre le responsable de l'étonnante association de Rouen "Débarquement Jeunes" qui avait déjà derrière elle une longue histoire et toujours le même souci de donner une image positive des jeunes des banlieues, de les aider à s'insérer dans la société. À la tête de cette association, Stéphane Méterfi, fils de harki qui, après avoir connu la galère et les mauvais coups, s'est reconverti en grand frère, en passeur, en convoyeur de bonnes intentions. "Ce qui m'intéresse, répond-il au docteur Rodet, c'est de croiser les frontières, les cultures, de faire rencontrer des gens différents pour qu'ils s'enrichissent mutuellement. On est tous dans la même galère. On a montré que si on fait confiance en la jeunesse, tout est possible".

Ce bonhomme de 33 ans est déjà un grand sage, courtisé par les responsables politiques et sociaux, choyé par les éducateurs. Il est devenu copain avec l'abbé Pierre et a porte ouverte au ministère de l'intérieur. Quand Philippe Rodet lui parle de son idée, il lui répond tout de go. "Je vous trouve cinq cents jeunes quand vous voulez". Ils ont commencé avec des amis du docteur, des cousins, des collègues de bureau. Et ça marche. "Quand on reçoit le courrier, c'est la première lettre qu'on ouvre", dit un proche de Philippe Rodet. Pour l'instant, les jeunes jouent le jeu et répondent. "Dès qu'ils ont écrit, nous raconte l'un des responsables de l'association, ils sont impatients de recevoir la réponse. Ça va leur donner à réfléchir. Ça va leur donner une sorte de respect. Ici, ils ne se parlent presque plus entre eux. Ils ne savent plus dire bonjour. Et là, ils vont réapprendre à parler".

Stéphane Méterfi suggère d'étendre l'idée à un troisième interlocuteur : un jeune d'un pays sous-développé. Ce serait une correspondance à trois. Un adulte, un jeune des banlieues françaises et un jeune d'un pays en développement. L'affaire est enclenchée, elle s'appelle "Fraternité, j'écris ton nom". La Fondation de la Poste s'intéresse elle aussi à cette idée. "Elle veut mettre en avant l'écrit comme lien social et nous propose de trouver des adultes par le biais des bureaux de poste". Philippe Rodet sent que son idée accroche. "Écrire, c'est reconnaître l'autre. C'est le considérer et déjà le comprendre". Le chanteur Cheb Mami, le rappeur Tonton David ont apporté leur soutien. Le groupe de danseurs les Yamakasi soutiennent et écrivent eux aussi à un jeune. "Il faudrait, lâche Stéphane Méterfi, que chaque ministre écrive à un jeune des banlieues". Il rêve, Stéphane. À moins que...

Dominique Gerbaud

Jeunes en quête de correspondants
Il va falloir trouver des adultes pour correspondre avec ces jeunes. Juste une fois par mois. Philippe Rodet en parle à quelques amis. Un prêtre l'encourage. "Votre projet marchera parce que vous amenez de la générosité, et ce monde en a besoin". René Rémond, académicien, suit l'affaire avec intérêt, "on peine moins qu'on ne le pense à faire dialoguer des jeunes avec des adultes, y compris avec des gens d'une autre religion, vous avez raison d'en parler à La Croix. Leurs lecteurs seront intéressés et écriront". Fort de ce pronostic encourageant, Philippe Rodet revoit Stéphane Méterfi. "Des lecteurs chrétiens sauront sûrement comprendre des jeunes des banlieues, ce serait super qu'ils écrivent". Ils recherchent donc des noms. Pour correspondre avec un jeune, il suffit de passer par l'association "l'Élan Nouveau des Citoyens" qui donnera le nom d'un jeune. Le seul engagement est d'écrire.


Publié dans Communication

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